A la fin de l’été, j’ai pris une grande décision. Après presque 15 ans de port de lunettes et des lentilles importables depuis la grossesse, cette fois on y était, j’allais me faire opérer de la myopie. Une opération certes chère mais entre ma bonne mutuelle et ce que je dépense chaque année en lunette et lentilles, l’opération était amortie en même pas 4 ans. Je suis donc partie en quête du chirurgien a qui je confierais ma cornée et très vite je me suis dirigée vers ce bon vieil hôpital public. Rendez-vous pris pour une batterie de test deux mois plus tard. Ce qui nous amène à aujourd’hui 9h45.
Sur le papier que j’avais reçu, il est noté d’arriver un quart d’heure en avance pour les formalités administratives. Comme je suis bonne élève je me plies aux exigences de l’administration et arrive à 9h30 à l’hôpital. Premier petit choc culturel. Le bâtiment flambant neuf est carrément design. Un mélange entre le hall d’un aéroport moderne et la clinique de Nip Tuck…
Après avoir pris un ticket comme chez Mammouth rayon boucherie à l’époque où j’avais encore mes dents de lait, je patiente en attendant mon tour. La secrétaire m’appelle. Elle déploie beaucoup d’énergie à remplir mon dossier (non). Par contre les discussions avec sa voisine de bureau sur l’arrêt maladie de Ginette et les vacances de Georgette ça y va. Après m’avoir demandé la nationalité de mon gentil médecin traitant malgache au nom imprononçable, elle m’indique d’un mouvement de tête le couloir : « au fond à droite porte C ».
Oh joie quand je pousse la porte C : pas un rat. I’m alone.
Ca va aller vite youpi (non). En réalité la secrétaire – appelons là Henriette- c’était trompé de porte. Je devais en fait aller à la D. Sauf qu’à la D, c’est pas la même histoire. Il y a dans ce hall de gare l’équivalent de 30 personnes qui attendent. Sur le moment, je ravale un peu mes larmes, comme ça :
Une gentille dame m’appelle en prenant bien soin d’écorcher mon nom de famille. Il faudra que je m’y habitue, ça sera comme ça environ 15 fois dans la matinée. Elle est orthoptiste (un genre de kiné des yeux) et va me faire faire des tests. Lesquels et à quoi ça sert je sais pas. Je n’aurais aucune explication. Et ça sera comme ça environ 15 fois dans la matinée. Rappelons qu’à la base je suis venue pour avoir des réponses à mes questions sur l’opération de la correction de la myopie du genre savoir combien ça coûte exactement parce que c’est pas tout ça mais moi j’ai pas non plus l’équivalent de 12 smic à claquer pour mes cornées. Même si ok opération généralement amortie en 4 ans toussa toussa.
Je passe donc un test. Puis un deuxième. Puis un troisième. J’ai reçu plus de gouttes dans les yeux que ce que j’aurais pensé possible en l’espace de quelques heures. Il est presque midi. J’ai patienté environ 2h et passé pleins de test-que-je-sais-pas-a-quoi-ca-sert et je n’ai toujours pas vu l’ombre d’un chirurgien. Enfin si. Il est là dans la salle, il rode. Je suppose que c’est lui le grand manitou parce que c’est le seul qui a visiblement assez de skill pour s’éviter de porter une blouse. Et puis il hurle. Il hurle sur tout le monde. Sur machine qui va pas assez vite. Sur machine 2 qui est partie on ne sait où et qui doit venir maintenant tout de suite pour faire lire un monsieur. Sur l’équipe de machines 3 qui faudrait « accélérer un peu le mouvement parce qu’il est bientôt midi là » (comprenez « j’ai la dalle, une trentaine de personne est prête à payer une blinde pour passer sous mon gros laser magique mais moi à midi c’est l’heure du jambon-purée à la cantine »). Les pauvres tirent des tronches pas possible et moi au milieu, j’ai de moins en moins envie de lui confier mes cornées à ce gros con de chirurgien.
11h50. Délivrance, on a finit de me tripoter les yeux et de me faire faire de la gym oculaire. Le grand moment est arrivé. Je vais voir LE chirurgien. En fait non pas encore.D’abord je dois voir son assistante. Elle m’appelle en écorchant mon prénom. J’arrive dans un énième cagibi où on m’installe devant une énième machine que-je-sais-pas-a-quoi-ca-sert et on me re-tripatouille la cornée. Et là LE chirurgien entre. Je capte alors qu’il marmonne dans sa barbe :
« maghrébins, qu’elle revienne dans quelques années »
Je lui demande « pardon ? » parce qu’entre le ton franchement limite de sa phrase qui ne voulait pas dire grand chose, et toute cette attente je suis un peu soulé (en plus j’ai un gros rhume). Son assistante toute confuse m’indique alors que je fais partie du faible pourcentage de la population qui a la cornée trop fine pour être opéré sans risque de séquelles à moyen ou long terme. En d’autres mots, je l’ai dans le cul lulu. Bye bye opération. Il faut que j’attende que les équipes au Maroc qui mènent les essais cliniques sur les gens comme moi arrivent (ou non) à trouver un protocole pour nous opérer. Pas avant une paire d’années donc. Alors que je fais le bilan dans ma tête de cette matinée hautement productive, la gentille assistante visiblement pressée par son patron m’indique :
Au moins comme ça je suis fixée…Je ne me ferais pas opéré par monsieur gros con.
Haha tu m’as fait rire ! Mais ouais, sacrément con ce chirurgien. Je suis bien contente d’avoir fait ça avec mon ophtalmo qui au moins était cool même s’il y avait 3h d’attente.
L’orthoptie c’est une gymnastique des yeux pour voir si tu louches ou pas, si tu as des migraines ophtalmiques ça peut régler le souci. Tu fais ça avant l’opération et parfois tu as besoin de rdv pour l’après. J’en ai pas fait et je pense que ça aurait été bien que j’en fasse un peu vu mes migraines.
Ah, bah tiens, j’ai eu le même rendez vous il y a une 10aine de jours, parce que j’ai des lentilles depuis une 15aine d’années et des lunettes depuis 25 ans… et comme toi, depuis ma grossesse j’ai du mal à supporter mes lentilles.
Même rendez vous que toi, et même conclusion: cornée trop fine pour une myopie trop forte. Mais on ne m’avait pas fait tous les examens (topographie), le chirurgien m’a proposé de repasser en enlevant mes lentilles au moins 48h avant le rendez vous, là il aura les vrais calculs.
Par contre je ne savais pas que l’espoir était tout de même encore possible en attendant le développement relativement proche d’autres techniques d’opération!